Philippe Schoepen

dimanche 28 avril 2024

L'Ange et le Modèle

 


Le Modèle entre dans le domaine de l’Ange, un vrai décor de cinéma. 

Le Modèle retrouve le bois et le silence de son ancien logement, sous les combles de Bruxelles. 

Il perd aussi 30 ans, ce qui est bien utile dans son ascension vers le 4ᵉ étage de l’Ange. 

Arrivé au ciel, le Modèle est pris en main, comme un invité de haut rang. 

Le Modèle regarde ce lieu aussi créatif que bien rangé. 

L’Ange, elle, prend son objet préféré, ce fameux boîtier noir et argentique qui ne la quitte jamais. 

Elle va capturer le Modèle, mais d’abord, elle doit l’apprivoiser. Elle l'hypnotise par ses gestes, précis, et sa voix claire et douce. 

Le Modèle se laisse emporter, lui qui se sent toujours maladroit et emprunté, cachant ses failles avec son humour, parfois balourd. 

L’Ange avait vu juste. En quelques minutes, l’âme du Modèle est capturée. 

L’Ange sourit, heureuse du résultat, comme le Modèle qui se découvre en autre homme, ni plus ni moins que lui. 

La dernière prise se fait sur le nuage en coton gris-blanc de l’Ange. Le Modèle découvre un nid entre bois et ciel, tout aussi calme que la pièce principale de l'Ange. 

Le Modèle pense à ce cadeau béni des dieux, des portraits de lui, si timide pourtant, qu’il pourra, c'est son côté audacieux, exploiter pour sa visibilité dans sa nouvelle ville de cœur. 

Le Modèle prend congé de L’Ange, et descend quatre à quatre les marches vers le dehors, vers sa nouvelle identité d'humain transformé. 


Crédits photo : Manon Anslot. Allez-voir son travail sur Insta.


dimanche 28 janvier 2024

J'ai failli travailler dans le porno.

Non, je ne vais pas vous raconter mes ratés en interview alors que je cherchais un travail à plein temps, voici plus de 25 ans. Je vais vous décrire un lieu particulier que j'ai fréquenté, le temps d'une interview insolite.


1991. Cela fait un an et demi que je travaille chez un courtier en assurances. Je fais de la gestion de portefeuille, de l'accueil clients et de la petite comptabilité. Un jour, mon patron me convoque :


"Philippe, tu me coûtes trop cher."


Moi : "Vous êtes sûr ? C'est moi qui établis les fiches de paie, cela m'étonne, voyez-vous."


Lui : "Je vais recruter un commercial."

À mi-temps, pas de pause

Une demi-heure plus tard, me voilà salarié à mi-temps. Je passe toutes mes après-midis à chercher un job dans le secteur financier bruxellois.

Peu de temps après, je suis convoqué par une conseillère de ce qui s'appelait alors l'ORBEM (devenu Actiris entre-temps).

"Voilà Mr Schoepen, une société de cinéma cherche un comptable. C'est tout près d'ici, boulevard Adolphe Max."

Je me présente à l'heure et au jour dit boulevard Adolphe Max. Moi qui pensais arriver à la caisse du célèbre complexe Marivaux, je me rends compte que l'adresse héberge un cinéma d'un autre genre.

Prendre ma carrière en mains


Toujours actif en 2017...


Beaucoup moins de textes, beaucoup d'actions... Pas de cinéma d'auteur, mais des scènes avec beaucoup de longueurs... Des histoires avec queues et têtes...

Vous avez compris : il s'agissait d'un cinéma porno : le Paris.

Je porte les vêtements de l'emploi, un gigantesque pardessus gris clair. Par chance pour l'intervieweur, j'ai des habits classiques en dessous.

Je me présente à la caisse, un peu penaud : "Madame, je viens pour la place de comptable." Je n'ai, à ce moment, pas la pensée coquine de vouloir m'annoncer comme candidat acteur hot.

Montée vers le 7e ciel ?

Elle m'indique une porte sur la droite. Je l'ouvre, monte l'escalier en colimaçon. Les murs sont poussiéreux. Je remarque une jambe en carton-pâte d'une femme en porte-jarretelles d'au moins trois mètres de haut.

L'homme qui vient m'ouvrir est on ne peut plus sérieux. Je ne rêve pas. Je viens chercher un emploi de comptable. C'est la vraie vie.

Il est très cordial et me fait visiter les bureaux. L'endroit est constitué de grandes pièces genre maison de maître. Tout est bois, dorures, marbre. La femme de ménage n'est sans doute plus venue ici depuis des mois.

J'arrive dans ce qui devait être à l'époque un salon. En plein centre, une table rectangulaire immense, avec des dizaines de documents étalés. Au bout de la table, une fille, entre 25 et 30, plutôt jolie, confrontée à un gigantesque puzzle comptable.

Un job au poil ?

Je suis ensuite mon hôte dans son bureau. Je passe un bref examen de comptabilité que je réussis les yeux fermés.

C'est l'heure de rentrer dans le vif du sujet. L'interviewer me raconte que ce cinéma fait partie d'un conglomérat de trois sociétés. Ma mission, en compagnie de l'employée aperçue plus tôt : réconcilier la comptabilité, en vue peut-être d'un prochain contrôle.

L'interview se poursuit :

"Vous êtes célibataire ?"

"Oui"

"Vous êtes prêt à travailler les soirs et week-ends ?"

"Euh, certes, tout dépend des conditions."

On passe au volet rémunérations. Mon interlocuteur fait la moue, "vous savez, Monsieur Schoepen, mes employeurs n'ont pas tout à fait la même notion que vous et moi d'une rémunération conforme au barème pour ce type de travail."

En gros, il me proposait le tiers d'un salaire pour un gradué (BAC+3).

"Je comprends tout à fait si vous refusez à ce stade, Monsieur Schoepen."

"Je pense en effet que nous devons arrêter ici."

Coïtus interruptus...

samedi 13 janvier 2024

Un désir nommé désert



En 2001, j'ai passé cinq semaines dans le Ténéré, repaire des Touaregs du Niger. 

Quelque temps plus tard, pensant déjà à un autre voyage dans le Sahara, après ma première découverte en 1991, dans le Hoggar algérien, je fus avertti par une amie très informée : tu ne pourras plus y aller. 

Des raisons impérieuses de sécurité, j'avais femme et enfants à l'époque, ont condamné mes espoirs. 

Il ne me reste que cette aventure de sable, qui s'égrène comme le temps, inlassablement. 

Voici donc un très long texte, avec pas ou peu d’action. Des petites histoires dans un désert, sans aucun verbe ! Bon voyage ! 


Début

Des buts

Des ennuis

Des moustiques

Des Nivaquines

Des Paludrines

Des Saloprines

Des bouchons

Des chambres typiques

Des solitudes

Des souvenirs présents

Des verbes absents


Marie-Louise Homblette, notre guide, de dos


Des doux rayons

Des petits déj’

Des gouttes d’eau pour le souvenir

Des sacs égarés

Des inquiétudes

Des saisons de Vivaldi

Des souvenirs d’aéroport

Des Tam dans l’autre sens

Des mats, des noirs

Des WC à couper le souffle

Des patiences

Des mandarines

Des discussions

Des affaires à surveiller

Des gardes en arme

Des questions indiscrètes

Des ailes de Moser fucker

Des courbes d’hôtesse

de l’air

De l’Aïr !

Des rue d’Agades, pas d’Agadir

Des chambres chauffées à blanc

Des siestes torrides

Des balades en solo

Des coups de Phil à 500 balles

Des nuits assourdissantes

Des vacances méritées



Des chameaux au marché

Des marchés de fruits

Des marchés de tout

Des marchands incessants

Des bonnes affaires

De l’argent dilapidé

Des escaliers de mosquée exigus

Des voix aimées derrière les lignes

Des injections de moustique

Des chants de muezzin

Des défilés de 10 ans de vie

Depuis le Hoggar

Des heures de route

Des pauses à l'ombre

Des souvenirs de bivouac (TIMIA)

Des craintes de vol

Des magasins sortis de la nuit

De belles photos

Des traditions Targui

Des obstacles en travers

Des chemins de traverse

Des recherches de véhicule

Des ressorts de Toyota cassés

Des sacs de l'oued de TCHINTOULOUS

Des chameaux bondissant au puits

Des demandes de bics

Des photos de chenapans

Des plaisanteries à KOGO

Des retours à la case dodo

Des rêves saison humide


Des sucres dans le Nescafé

Des levers avant le soleil

Des photos de mes pitchouns

Des images loin des Pachtouns

Des gazelles aux fesses blanches

Des chiens plus rapides que des 4x4

Des souvenirs d'autruche

Des puits sans faim

Des palabres

Des dattes en novembre

Des sourires d'enfant

Des bébés-chameaux

Des vêtements trop grands

Des petites mains dans les miennes

Des campements en bois

Des mouches persécutrices

Des chevreaux assoiffés

Des mâchoires encore serrées

Des songes idiots

Des chiens affamés

Des chèches bien fixés

Des chameaux équipés

Des départs en fusée

Des sacs mal accrochés

Des selles fatiguées

Des méharées entamées

Des diarrhées endiablées

Des paysages marbrés

Des chameaux matinaux

Photo Marie-Louise Homblette


Des traces de sable sous les acacias

Des astres solaires rayon tracas

Des attentes sans abri

Des nerfs à rude épreuve

Des mouches par millions

Des thés salvateurs

Des silences et des mots

Des appareils photos en grève

Des dunes lumineuses

Des Touaregs ténébreux

Des nuits comme ça...

Des cauchemars bizarres

Des départs en fanfare

Des décors sans cesse modifiés

Des genoux irrités

Des paysages à la Bertolucci

Des arrivées, enfin

Des minutes de repos

Des pamplemousses tombés du ciel

Des cratères éteints

Des dunes prisonnières (ARAKAO)

Des Touaregs libérés

Des thés très amers

Des camélidés peu amènes



Des grains de sable chaud

Dépaysement

Des endroits collés à la rétine

Des promesses

Des artères qui pompent

Des pauses boisson

Des demandes en photo

Des cloches qui sonnent

Des corps épuisés

Des regards éblouis

Des vues d’éboulis

Des camps proches (TEMEAK)

Des matelas bleus

Des visages rouges

Des thés verts

Des scarabées noirs

Des pâtes à la Aboli

Des couplets de Barbara

Des paroles de Brassens

Des maux de tête

Des abandons de soi

Des relâchements

Des sommeils paradoxaux


Photo Marie-Louise Homblette

Des réveils matinaux

Des Phil détachés

Des Claudine insomniaques

Des rêves de bain, Marie

Des pipis à la Sylvette

Des gourdes

Des pieds soignés

Des marches pressées

Des fruits secs

Des bouches humides

Des selles à bobos

Des chansons de Jonasz

Des salades dévorées

Des siestes limitées


Des chameaux en quête de pâturages

Des discussions avec le guide

Des tombes islamiques

Des plaines à perte de vue

Des petites dunes

Des scorpions

Des ânes et des chiens

Des chameaux à table

Des Murat, des Ferrat, des Moula Moula

Des mots de tête

Des pressions sous la casquette

Des rafales de vent

Des positions confortables

Des conversations intraduisibles

“I can’t live a long time far from camels” (Marie-Louise Homblette, notre guide)


De chastes va-et-vient

Des roches à gogo

Des grains de riz chauds

Des heures de sieste

Des bracelets de marbre

Des voix au loin

Des ombres fraîches

De l’énergie humaine

Des Rah quittant le navire

Des yeux sensibles

Des décisions prises

Des fourmis, hier

Des lézards en pagaille

Des “Missié le Corbeau”


Des bonbons verts

Des bonbons rouges

Des bobos de toutes les couleurs

Des prières

Des pères aux cieux

Des sommets de TAGHMERT au loin

Des départs en trombe

Des selles à trident

Des orteils douloureux

Des histoires d’eau (GOULOUKOU)

Des panses de 80 litres

Des projets pour le retour

Des mises au point

Des parenthèses

Départ en trombe pour IZEM

Des chacals au coin du feu

Des pieds soignés

Des mains gonflées par la marche

Des TAGMAK

Des TAGHMERT

Des tas de pierres

Des tas de bijoux


Des thés en automne

Divers couleurs par temps lumineux

Des branches d’acacias

Des heures de crapahutage

Des vues imprenables

Des “ananabolisants”

Des heures de sommeil

Déserts de repos

Des vêtements dans les branches

Des jambes d’enfant sur des ânes

Des gouttes d’eau sur la tête

Des puits du fou

Massif du Taghmert au centre de l’image (source Wikipedia)

Des abricots

Des “saharites”

Des traces de pneu

Des cours sur le SIDA

Des jours derrière plutôt que devant

Des ceintures tue-mouches

Des dunes déchiquetées

Des silences

Des eaux rares

Des soulagements d’Aurar

Des bras en l’air de Moussa


Des nuances de jaune

Des odeurs de 4×4 (“chameaux métalliques”)

Des perles pour Céline

Des ballons pour Ahmed

Des yeux rieurs

Des yeux touchés

Des campements sommaires

Des photos d’enfants


Des Cassiopée

Des Mars

Des étoiles filantes

Des croissants de lune

Des morceaux de pain

Des chameaux comme des mules

Des gestes précis

Des marchés improvisés

Des puits au soleil

Des lavandières d’occasion

Des lectures

Des jeûnes d’Oumer

Des jeunes autour de Rissa

Des prières vers la Mecque

Des cris de chacal

Vaccin, quand tu nous tiens

Des grandes plaines rocailleuses

Des chameaux voraces

Des crânes de chèvre

Des pattes de singe

Des soignés aux petits oignons

Des rafales de vent

Des quiétudes

Des PQ récalcitrants

Des verres de thé de Moussa

Des épines d’acacia

Des méharées, tout droit

Des sirènes de Police dans ma tête

L'auteur, en haut

Des grands reporters

Des prémices du Ténéré

Des ADRAR CHIRIET

Des dunes pour gîte

Des branches gisantes

Des scarabées sur le dos

Des mélopées

Des dunes d’IFINIA

Des éclats de rire

Des pieds gorgés de duvet

Des mâchoires de chèvre dans les arbres

Des réserves d’Addax

Des acacias gigantesques

Selles de chameau, oeuvres d'art

Des descentes à risque

Des fraîcheurs

Des saisons blanches

Des Ben la Dune

Des méharis empaquetés

De la brume à l’horizon

Des chamelons pleureurs

Des vaisseaux-mouches

Des montagnes de sable somitales


Des arrêts à temps

Des hommes et des flemmes

Des feux de tristesse

Des cauchemars

De l’oued TEZERZEG

Des sables glacés

Des esprits engourdis

Des escalades de dunes

Des forêts de colapropis

Des acacias abondants

Des rafales de vent pour la sieste

Des fins de méharée (TEZERZEG)

Des larmes dans l’objectif

Net et flous

Des cadeaux discrets

Des abandons

Des gravures

Des femmes sociales

De jolies Touareg

Des bijoux onéreux

Des lavages de chaussettes

Des rayons de soleil touchants

Des ISSAWAN adoptés

Des chèvres au p’tit déj

Des chansons d’Ibraïm

Des morceaux de marbre blancs

Des pistes difficiles

Des nuées de forgeron

Des trocs

Des déjeuners toujours couchés

Des petites coupures

Des CFA déchirés

Des soulagements d’Aurar

Des passeports vérifiés (IFEROUANE)

Des ennuis à la Land


Des oiseaux dans les rochers

Des sentiers français

Des fourmis en abondance

Des vents du Nord

Des chiots chiants

Des réparations de fortune

Des adieux aux lits

Des pistes sur un mode automne

Des lignes droites goudronnées

Des kilos de vents de sable

Des tonnes de sable devant

Des abris de Dune Voyage


Des banquiers au repos ou en prison

Des retrouvailles

Des poignées de main

Des trafics de médicaments

Des trafics de bijoux

Des protections d’UV

Des gouttes d’O

Des instants de P

De la douceur dans l’R

Des coups de fil à S

Des verres à T

Marie-Louise Homblette au puits

Des silences religieux

Des levers en souplesse

Des joues de pamplemousse

Des jambes de sarouels

Des chasse-touristes

Des salades thon-poulet

Des sorbets

Des repos

Des dernières photos

Des mots tristes et joyeux

Des croix du Sud

Des alliances du Nord

Des TEFEDEST


Des histoires de géo

Des ennuis physiques

Des réactions chimiques

Des peaux moins mattes

Des dessins sur les rochers

Des marteaux troqués

Des rêves dérangés

Des dernières feuilles de salade

Des cartes postales

Des adieux pas heureux

Des attentes

Des piles

Des radios géantes

Des petits Fokker

Des faux départs

Des camions dangereux

Des TASSILIS


Des objets personnels retrouvés

Des cachets oubliés

Des puissance 4

Des nerfs à vif

Des ventres affamés

Des chiens bizarres

Des réveils matinaux

Des vols en cascade

Des embarquements Zimédia

Des quêtes de chariots

Des pensées pour CHIRIET

Des degrés absents

Des petites déprimes

De bruyants Boeings

Des mots oubliés

Des voitures

Des pluies

Des retours, plus vieux

Des sons dérisoires

Des maux oubliés

Des fins

***


L'Ange et le Modèle

  Le Modèle entre dans le domaine de l’Ange, un vrai décor de cinéma.  Le Modèle retrouve le bois et le silence de son ancien logement, sous...