Philippe Schoepen

dimanche 28 janvier 2024

J'ai failli travailler dans le porno.

Non, je ne vais pas vous raconter mes ratés en interview alors que je cherchais un travail à plein temps, voici plus de 25 ans. Je vais vous décrire un lieu particulier que j'ai fréquenté, le temps d'une interview insolite.


1991. Cela fait un an et demi que je travaille chez un courtier en assurances. Je fais de la gestion de portefeuille, de l'accueil clients et de la petite comptabilité. Un jour, mon patron me convoque :


"Philippe, tu me coûtes trop cher."


Moi : "Vous êtes sûr ? C'est moi qui établis les fiches de paie, cela m'étonne, voyez-vous."


Lui : "Je vais recruter un commercial."

À mi-temps, pas de pause

Une demi-heure plus tard, me voilà salarié à mi-temps. Je passe toutes mes après-midis à chercher un job dans le secteur financier bruxellois.

Peu de temps après, je suis convoqué par une conseillère de ce qui s'appelait alors l'ORBEM (devenu Actiris entre-temps).

"Voilà Mr Schoepen, une société de cinéma cherche un comptable. C'est tout près d'ici, boulevard Adolphe Max."

Je me présente à l'heure et au jour dit boulevard Adolphe Max. Moi qui pensais arriver à la caisse du célèbre complexe Marivaux, je me rends compte que l'adresse héberge un cinéma d'un autre genre.

Prendre ma carrière en mains


Toujours actif en 2017...


Beaucoup moins de textes, beaucoup d'actions... Pas de cinéma d'auteur, mais des scènes avec beaucoup de longueurs... Des histoires avec queues et têtes...

Vous avez compris : il s'agissait d'un cinéma porno : le Paris.

Je porte les vêtements de l'emploi, un gigantesque pardessus gris clair. Par chance pour l'intervieweur, j'ai des habits classiques en dessous.

Je me présente à la caisse, un peu penaud : "Madame, je viens pour la place de comptable." Je n'ai, à ce moment, pas la pensée coquine de vouloir m'annoncer comme candidat acteur hot.

Montée vers le 7e ciel ?

Elle m'indique une porte sur la droite. Je l'ouvre, monte l'escalier en colimaçon. Les murs sont poussiéreux. Je remarque une jambe en carton-pâte d'une femme en porte-jarretelles d'au moins trois mètres de haut.

L'homme qui vient m'ouvrir est on ne peut plus sérieux. Je ne rêve pas. Je viens chercher un emploi de comptable. C'est la vraie vie.

Il est très cordial et me fait visiter les bureaux. L'endroit est constitué de grandes pièces genre maison de maître. Tout est bois, dorures, marbre. La femme de ménage n'est sans doute plus venue ici depuis des mois.

J'arrive dans ce qui devait être à l'époque un salon. En plein centre, une table rectangulaire immense, avec des dizaines de documents étalés. Au bout de la table, une fille, entre 25 et 30, plutôt jolie, confrontée à un gigantesque puzzle comptable.

Un job au poil ?

Je suis ensuite mon hôte dans son bureau. Je passe un bref examen de comptabilité que je réussis les yeux fermés.

C'est l'heure de rentrer dans le vif du sujet. L'interviewer me raconte que ce cinéma fait partie d'un conglomérat de trois sociétés. Ma mission, en compagnie de l'employée aperçue plus tôt : réconcilier la comptabilité, en vue peut-être d'un prochain contrôle.

L'interview se poursuit :

"Vous êtes célibataire ?"

"Oui"

"Vous êtes prêt à travailler les soirs et week-ends ?"

"Euh, certes, tout dépend des conditions."

On passe au volet rémunérations. Mon interlocuteur fait la moue, "vous savez, Monsieur Schoepen, mes employeurs n'ont pas tout à fait la même notion que vous et moi d'une rémunération conforme au barème pour ce type de travail."

En gros, il me proposait le tiers d'un salaire pour un gradué (BAC+3).

"Je comprends tout à fait si vous refusez à ce stade, Monsieur Schoepen."

"Je pense en effet que nous devons arrêter ici."

Coïtus interruptus...

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